Le congé de Noël des jumelles Dupont (un conte de Michel Côté)
Depuis des années, à chaque Noël, j'écris un nouveau conte.
À vous, petits et grands, j'offre ici une autre de ces histoires, à raconter, au coin du feu, à l'heure du coucher...
Épisode premier, de cinq
Depuis plusieurs générations, les Dupont vivent sur leur domaine forestier, au pied des montagnes. Leurs terres, de vallons et de buttons boisés, sont coupées de part en part par la Rivière Noire, un rapide cours d’eau. Sur le chemin du Rang Croche, où est bâtie leur chaumière, un pont de pierre jadis érigé par leurs ancêtres enjambe fièrement le torrent.
Les habitants du coin disent « le pont des Dupont… »
Papa et maman Dupont ne sont plus jeunes. Dès le début de leur union, ils ont eu plusieurs enfants, un à tous les ans pendant sept ans, tous des garçons! Puis, après un répit de quelques années, madame Dupont donna finalement naissance à une paire de filles.
Comme elles sont nées un 25 Décembre, ils les appelèrent Noëla et Noëline .
Mignonnes et jolies, elles se ressemblent tant que même leurs parents n’arrivent jamais à les différencier. Elles s’en amusent d’ailleurs beaucoup.
Comme elles sont nées un 25 Décembre, ils les appelèrent Noëla et Noëline .
Mignonnes et jolies, elles se ressemblent tant que même leurs parents n’arrivent jamais à les différencier. Elles s’en amusent d’ailleurs beaucoup.
Débrouillardes et curieuses, elles ont par contre des caractères différents. Noëline est joueuse et impulsive…et parfois même téméraire à l’excès. Noëlla est raisonnable et taciturne …et parfois un peu trop sage. Elles font tout de même bon ménage et sont « inséparables » comme dit souvent leur mère.
L’année de leur 13 ème anniversaire de naissance, pendant les vacances de Noël, il leur arriva cette aventure que je vais vous raconter...
L’année de leur 13 ème anniversaire de naissance, pendant les vacances de Noël, il leur arriva cette aventure que je vais vous raconter...
Il y avait eu un redoux pendant la nuit, et au matin, une brume épaisse recouvrait tout, comme un voile blanc. On ne voyait pas même de l’autre côté du chemin! Noëline, excitée, propose d’aller marcher dans ce brouillard laiteux…Noëla, réticente au début, finit par se laisser convaincre.
Elles jouent à se perdre et se retrouver dans cette blancheur opaque en se lançant des petits cris perçants. Sans s’en rendre compte, elles s’éloignent peu à peu et finissent par s’égarer vraiment. Sous ce voile tout est si différent!
Elles jouent à se perdre et se retrouver dans cette blancheur opaque en se lançant des petits cris perçants. Sans s’en rendre compte, elles s’éloignent peu à peu et finissent par s’égarer vraiment. Sous ce voile tout est si différent!
Après une longue errance, au détour d’un sous-bois, elles arrivent à l’orée d’une forêt de grands pins. On y entend d’étranges craquements. Il y a là une drôle de cabane qu’elles n’ont jamais vu auparavant. À moitié recouvertes de mousse, des planches grises mal dégrossies recouvrent une charpente branlante, toute en hauteur, prête à s’écrouler au moindre souffle de vent.
Devant la porte de cet abri décrépit, assise sur une bûche, une très vieille dame les observe sans bouger d’un poil. Son visage est tellement plissé de rides que l’on voit à peine ses yeux.
-« Bonjour madame » disent les jumelles à l’unisson…»
La vieille relève un peu la tête, rajuste son châle sur ses frêles épaules. Ses cheveux blancs tressés en longues nattes pendent sur ses genoux. Elle tient dans ses mains une grosse corde rugueuse soigneusement enroulée.
La vieille relève un peu la tête, rajuste son châle sur ses frêles épaules. Ses cheveux blancs tressés en longues nattes pendent sur ses genoux. Elle tient dans ses mains une grosse corde rugueuse soigneusement enroulée.
-« Ma parole, te voilà enfin! » éructe la vieille d’une voix chevrotante en ouvrant à peine sa bouche édentée. Sur ses lèvres gercées se glisse l’ébauche d’un sourire méchant qui ressemble plutôt à une grimace.
-« Ça fait bien longtemps que je t’attends » croasse encore la vieille en mettant en visière une main osseuse sur son regard éteint.
-« Je suis rendue tellement âgée que je vois double maintenant! marmonne-t-elle,
depuis des lustres, je suis la gardienne de la Corde-À-Tirer-Le-Temps… tu seras la prochaine gardienne, ma fille… approche un peu, je vais te montrer comment. »
-« Ça fait bien longtemps que je t’attends » croasse encore la vieille en mettant en visière une main osseuse sur son regard éteint.
-« Je suis rendue tellement âgée que je vois double maintenant! marmonne-t-elle,
depuis des lustres, je suis la gardienne de la Corde-À-Tirer-Le-Temps… tu seras la prochaine gardienne, ma fille… approche un peu, je vais te montrer comment. »
-la suite au prochain épisode...
Depuis des années, à chaque Noël, j'écris un nouveau conte.
À vous, petits et grands, j'offre ici une autre de ces histoires, à raconter, au coin du feu, à l'heure du coucher...
À vous, petits et grands, j'offre ici une autre de ces histoires, à raconter, au coin du feu, à l'heure du coucher...
Épisode deuxième, de cinq
Intriguées, les jumelles suivent la vieille dame à l’intérieur. Quel taudis! Les murs suintent d’humidité, le plafond est percé d’un grand trou.
Il fait un froid de canard...La vieille referme la porte derrière elle, pousse un grand soupir.
Puis, avec une force surprenante, elle lance la corde dans les airs. Le câble se déroule alors et s’étire vers le ciel . On n’en voit plus le bout…son extrémité se perd dans les hauteurs embrumées.
Comme par magie, la corde se tient debout toute seule . Elle pend, on ne sait trop comment. C’est comme si elle était accrochée au ciel. Elle oscille faiblement…
D’une voix geignarde la vieille débite aussitôt d’un seul trait :
-« Un coup, pour sauter par dessus l’heure,
Deux coups, pour bondir au delà du jour,
Trois coups, pour voler à travers les ans,
Quatre coups, pour décrocher la corde et ramener à terre le poids des ans.»
Puis, sans autre formalité, elle empoigne la corde. Du poignet elle donne trois petites secousses et disparaît littéralement...
Il fait un froid de canard...La vieille referme la porte derrière elle, pousse un grand soupir.
Puis, avec une force surprenante, elle lance la corde dans les airs. Le câble se déroule alors et s’étire vers le ciel . On n’en voit plus le bout…son extrémité se perd dans les hauteurs embrumées.
Comme par magie, la corde se tient debout toute seule . Elle pend, on ne sait trop comment. C’est comme si elle était accrochée au ciel. Elle oscille faiblement…
D’une voix geignarde la vieille débite aussitôt d’un seul trait :
-« Un coup, pour sauter par dessus l’heure,
Deux coups, pour bondir au delà du jour,
Trois coups, pour voler à travers les ans,
Quatre coups, pour décrocher la corde et ramener à terre le poids des ans.»
Puis, sans autre formalité, elle empoigne la corde. Du poignet elle donne trois petites secousses et disparaît littéralement...
Les jumelles n’en croient pas leurs yeux, font deux fois le tour de la cabane...rien ni personne dans les environs! Noëline, curieuse, retourne à l’intérieur. Sans réfléchir, juste pour voir si la corde est accrochée solidement, elle tire, un petit coup seulement…elle disparaît sur le champ!
Morte d’inquiétude, pendant une heure de temps, Noëla cherche sa sœur partout, en vain.
Se souvenant des étranges paroles de la vieille, elle retourne à l’intérieur de la cabane à l’instant même où Noëline réapparaît, la main encore sur la corde…
-« Tu vois, dit Noëline, j’ai tiré sur la corde et ça ne fait rien du tout! »
-« Bien au contraire, s’écrie Noëla, ça fait au moins une heure que je te cherche partout. Tu avais complètement disparu! »
-« C'est bizarre, dit Noëline, pour moi c’est comme s’il ne s’était rien passé… »
-« Un coup pour sauter par dessus l’heure…et quatre pour décrocher la corde et la ramener » murmure Noëla. Elle tire sur la corde, quatre petites secousses consécutives. Le cable rugueux tombe lourdement à leur pieds.
-« Eh ben ça alors! »dit Noëline.
-« Viens-t-en vite! dit Noëla, ne restons pas ici plus longtemps, j’ai peur! »
-« Mais non, insiste Noëline, enroulons la corde et emportons la avec-nous. C’est une corde magique. On pourra s’en servir. On ne sait jamais! »
-« C’est comme tu veux, dit Noëla, mais je t’en prie, partons au plus vite. Nous pourrons suivre nos traces de pas dans la neige pendant qu’il en est encore temps, le vent se lève à présent. »
Se souvenant des étranges paroles de la vieille, elle retourne à l’intérieur de la cabane à l’instant même où Noëline réapparaît, la main encore sur la corde…
-« Tu vois, dit Noëline, j’ai tiré sur la corde et ça ne fait rien du tout! »
-« Bien au contraire, s’écrie Noëla, ça fait au moins une heure que je te cherche partout. Tu avais complètement disparu! »
-« C'est bizarre, dit Noëline, pour moi c’est comme s’il ne s’était rien passé… »
-« Un coup pour sauter par dessus l’heure…et quatre pour décrocher la corde et la ramener » murmure Noëla. Elle tire sur la corde, quatre petites secousses consécutives. Le cable rugueux tombe lourdement à leur pieds.
-« Eh ben ça alors! »dit Noëline.
-« Viens-t-en vite! dit Noëla, ne restons pas ici plus longtemps, j’ai peur! »
-« Mais non, insiste Noëline, enroulons la corde et emportons la avec-nous. C’est une corde magique. On pourra s’en servir. On ne sait jamais! »
-« C’est comme tu veux, dit Noëla, mais je t’en prie, partons au plus vite. Nous pourrons suivre nos traces de pas dans la neige pendant qu’il en est encore temps, le vent se lève à présent. »
Une poche de jute traînait par terre dans un coin. Noëline ramasse la corde et la fourre dans le sac .
-« C’est lourd ? » lui demande Noëla.
-« Un peu oui ! » réponds Noëline.
-« Ça doit être le poids des ans! » dit Noëla. En ricanant.
Le vent, peu à peu, soulève le brouillard et le repousse vers le sud-ouest. Un soleil blafard se dessine, timide et pâle, vers le couchant.
Leurs traces de pas les ramènent sur le sommet d’une colline de grands hêtres dénudés.
-« C’est lourd ? » lui demande Noëla.
-« Un peu oui ! » réponds Noëline.
-« Ça doit être le poids des ans! » dit Noëla. En ricanant.
Le vent, peu à peu, soulève le brouillard et le repousse vers le sud-ouest. Un soleil blafard se dessine, timide et pâle, vers le couchant.
Leurs traces de pas les ramènent sur le sommet d’une colline de grands hêtres dénudés.
- « Tu vois où nous sommes? » demande Noëla.
« Oui , je crois. On en a fait du chemin dans cette poisse! Regarde là bas, le grand chêne tordu entouré d’aubépines . La rivière passe à moins d’un mille vers l’est. Nos traces nous mènent vers le méandre, près du bassin gelé où on se baigne en été. Passons plutôt par le pont. On va sauver une bonne heure de marche. En plus, on va être à l’abri du vent dans la forêt de cèdres qui longe la rivière Noire. »
- « T’es malade ou quoi? dit Noëla, ça nous fait passer juste à coté de la cabane du bonhomme Dufour…
Maman nous a fait promettre de ne pas aller niaiser dans ce coin là pour rien…c’est un ivrogne. Pis quand il est saoul, y sait plus ce qu’il fait. T’as vu comment y nous regardait, au magasin, la semaine passée! »
« Ben si t’aimes mieux faire le grand détour, pis arriver à moitié gelée à la maison…en plus, à l’heure que ça va nous faire arriver, on va passer en dessous de la table ça c’est sûr! »
« …. »
Maman nous a fait promettre de ne pas aller niaiser dans ce coin là pour rien…c’est un ivrogne. Pis quand il est saoul, y sait plus ce qu’il fait. T’as vu comment y nous regardait, au magasin, la semaine passée! »
« Ben si t’aimes mieux faire le grand détour, pis arriver à moitié gelée à la maison…en plus, à l’heure que ça va nous faire arriver, on va passer en dessous de la table ça c’est sûr! »
« …. »
- « On tire à pile ou face, la chance va décider! Pile on suit nos traces, face on fait face! O.K.? »
- «Mmm …Ben on va prendre mon sou chanceux d’abord… »
Noëla, les yeux fermés, lance la pièce qui tourbillonne dans les airs avant de retomber dans la main de sa sœur. Celle ci s’empresse de plaquer le sou sur le dessus de sa main gauche…
« Face…on fait face. Le sort en est jeté! »
- «Mmm …Ben on va prendre mon sou chanceux d’abord… »
Noëla, les yeux fermés, lance la pièce qui tourbillonne dans les airs avant de retomber dans la main de sa sœur. Celle ci s’empresse de plaquer le sou sur le dessus de sa main gauche…
« Face…on fait face. Le sort en est jeté! »
-la suite au prochain épisode...
Depuis des années, à chaque Noël, j'écris un nouveau conte.
À vous, petits et grands, j'offre ici une autre de ces histoires, à raconter, au coin du feu, à l'heure du coucher...
À vous, petits et grands, j'offre ici une autre de ces histoires, à raconter, au coin du feu, à l'heure du coucher...
Épisode troisième, de cinq
Noëline, frondeuse, passe devant et ouvre bravement la marche d’un pas décidé. Elles trouvent un sentier de neige durcie qui longe la rivière.
La neige craque sous leurs pas. Le temps se refroidit. En vue du camp du poivrot, les jumelles avancent prudemment. On entend des jappements assourdis venant de l’intérieur de l’habitation. Tout à coup, la porte s’ouvre, et Rex, le berger allemand du père Dufour fonce vers elles en aboyant furieusement.
La neige craque sous leurs pas. Le temps se refroidit. En vue du camp du poivrot, les jumelles avancent prudemment. On entend des jappements assourdis venant de l’intérieur de l’habitation. Tout à coup, la porte s’ouvre, et Rex, le berger allemand du père Dufour fonce vers elles en aboyant furieusement.
- « Assis Rex! » commande l’ivrogne de loin.
La bête s’assoit dans la neige tout en continuant d’aboyer en regardant son maître s’approcher en titubant, une bouteille à la main.
- « Sainte Bagosse de saint Sirop, ah ben que v’la t’y pas d’la belle visite, par exemple! Vous allez rentrer une minute vous réchauffer… Y pas de pire tourment pour un homme comme moi que de boire tout seul pis dans l’temps des fêtes en plus de çà ».
« Merci bien monsieur Dufour, mais on a pas le temps de s’attarder. Nos parents vont s’inquiéter. Faut rentrer au plus vite à la maison. »
La bête s’assoit dans la neige tout en continuant d’aboyer en regardant son maître s’approcher en titubant, une bouteille à la main.
- « Sainte Bagosse de saint Sirop, ah ben que v’la t’y pas d’la belle visite, par exemple! Vous allez rentrer une minute vous réchauffer… Y pas de pire tourment pour un homme comme moi que de boire tout seul pis dans l’temps des fêtes en plus de çà ».
« Merci bien monsieur Dufour, mais on a pas le temps de s’attarder. Nos parents vont s’inquiéter. Faut rentrer au plus vite à la maison. »
- « Des belles jeunesses comme ça, c’est-y pas beau à regarder. Vous pensez quand même pas que j’vais vous laisser partir sans vous avoir embrassé! Le jour de l’an, c’est juste une fois par année. Si vous voulez pas rentrer, Rex va s’énerver, han mon chien? » et le molosse de gronder de plus belle.
- « Pis d’abord, dites moi donc qu’essé que vous cachez dans votre sac? Ça serait-y pas un gibier pris dans mes collets à moi? »
- « Pis d’abord, dites moi donc qu’essé que vous cachez dans votre sac? Ça serait-y pas un gibier pris dans mes collets à moi? »
- « Pas du tout monsieur Dufour, c’est juste une vieille corde qu’on a trouvé. Si vous voulez on peut vous la montrer? » Ce disant, Noëline ouvre son sac, attrape le câble ensorcelé et le lance dans les airs… Le bonhomme Dufour, médusé, regarde en haut, regarde en bas, se gratte la tête, fait le tour du cordeau qui se tient debout tout seul…
- « Saint Simonnak de Tabouère de Câlibine! J’ai jamais vu une patente de même! Comment ça fait pour tenir debout en l’air c’te corde là? »
Il referme sa grosse main poilue sur la corde et tire un grand coup…et le voilà disparu comme par enchantement! ... Le chien, apeuré, s’enfuit en hurlant.
- « Bon débarras!» dit Noëla, «avec le coup qu’il a donné, on a la paix pour au moins une heure. Allons-nous en avant qu’ils réapparaissent, lui ou son vilain cabot ! »
- « Saint Simonnak de Tabouère de Câlibine! J’ai jamais vu une patente de même! Comment ça fait pour tenir debout en l’air c’te corde là? »
Il referme sa grosse main poilue sur la corde et tire un grand coup…et le voilà disparu comme par enchantement! ... Le chien, apeuré, s’enfuit en hurlant.
- « Bon débarras!» dit Noëla, «avec le coup qu’il a donné, on a la paix pour au moins une heure. Allons-nous en avant qu’ils réapparaissent, lui ou son vilain cabot ! »
Le vent forcit de minute en minute, la neige se met à poudrer. Heureusement qu’elles ont le sentier de neige tapée pour les guider. Une demi-heure plus tard, elles sont rendues au pont des Dupont. Le vent du Nord-Est leur givre le visage. Elles doivent de temps en temps marcher à reculons pour se protéger de la morsure du froid. La tempête les fouette sauvagement. Arrivées devant le magasin général, elles sont frigorifiées.
- « On entre pour se dégeler un peu? » demande Noëla.
- « Bonne idée! » répond Noëline.
- « Bonne idée! » répond Noëline.
Elle se défait de son sac de jute, le dépose sur la galerie enneigée. Qui leur volerait un sac de jute fatigué avec dedans une vieille corde usée? Toutes deux secouent leurs bottes et se déneigent mutuellement, puis entrent en faisant sonner la cloche au dessus de la porte. «Ding Dong»
Madame Turgeon, affalée sur son journal, leur jette un regard perplexe par dessus ses lunettes.
Madame Turgeon, affalée sur son journal, leur jette un regard perplexe par dessus ses lunettes.
- « Un mot de cinq lettres qui commence par un C et qui sert à attacher? » demande la grosse dame en se tapotant le nez du bout de son crayon à mine.
Les jumelles se regardent et pouffent d’un rire simultané…
- « Un bon chocolat chaud, ça va nous ravigoter pis nous donner des idées pour votre mot croisé! » dit Noëline, le visage encore rougi de froid.
- « Votre père est passé tout à l’heure. Il avait l’air de s’inquiéter. Plusieurs de vos frères sont arrivés. Je les ai vu passer en skidoo. Ils vont vous chercher bientôt. C’est presque l’heure du souper. Si vous voulez rester pour un breuvage chaud, vaut mieux leur téléphoner.»
- « Écoute Noëline, je pense qu’on est mieux d’y aller, sans ça on va avoir du trouble. »
- « Ben non voyons, on peut toujours ben prendre le temps de se réchauffer quelques minutes. C’est les vacances, oui ou non? »
- « OK d'abord!… »
- « Deux chocolats chauds avec crème fouettée s.v.p. madame …pis passez nous donc votre journal qu’on jette un coup d’œil en attendant .»
Les jumelles se regardent et pouffent d’un rire simultané…
- « Un bon chocolat chaud, ça va nous ravigoter pis nous donner des idées pour votre mot croisé! » dit Noëline, le visage encore rougi de froid.
- « Votre père est passé tout à l’heure. Il avait l’air de s’inquiéter. Plusieurs de vos frères sont arrivés. Je les ai vu passer en skidoo. Ils vont vous chercher bientôt. C’est presque l’heure du souper. Si vous voulez rester pour un breuvage chaud, vaut mieux leur téléphoner.»
- « Écoute Noëline, je pense qu’on est mieux d’y aller, sans ça on va avoir du trouble. »
- « Ben non voyons, on peut toujours ben prendre le temps de se réchauffer quelques minutes. C’est les vacances, oui ou non? »
- « OK d'abord!… »
- « Deux chocolats chauds avec crème fouettée s.v.p. madame …pis passez nous donc votre journal qu’on jette un coup d’œil en attendant .»
Quinze minutes plus tard, le téléphone sonne ; c’est monsieur Dupont . Trop heureux de retrouver ses filles avant la tempête annoncée à la télé, il ne les gronde que pour la forme et envoie un de ses fils les chercher. VROUMM…Guillaume arrive en trombe sur sa moto-neige et fait rugir son engin en face du magasin.
En sortant sur le perron, Noëline cherche son sac de jute…Elle l’avait pourtant déposé à gauche de la porte, contre le mur, juste sous la fenêtre. On voit dans la neige des traces de bottes. Quelqu’un à pris la corde et le sac…les traces se perdent dans la poudrerie.
- « Qu’est ce qu’on fait ? » demande Noëline.
- « Pour l’instant on laisse faire. C’est un secret entre nous deux . De toute façon personne ne va nous croire si on raconte cette histoire. Allons souper. Pour aujourd’hui c’est terminé! »
Accroupie derrière une rangée d’épinettes secouées par le vent, une silhouette sombre regarde la moto-neige s’éloigner en pétaradant...
- « Qu’est ce qu’on fait ? » demande Noëline.
- « Pour l’instant on laisse faire. C’est un secret entre nous deux . De toute façon personne ne va nous croire si on raconte cette histoire. Allons souper. Pour aujourd’hui c’est terminé! »
Accroupie derrière une rangée d’épinettes secouées par le vent, une silhouette sombre regarde la moto-neige s’éloigner en pétaradant...
-la suite au prochain épisode...
Épisode quatrième, de cinq
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Le lendemain matin, alors que toute la maisonnée roupille encore, les jumelles avancent d’un pas rapide sur la neige durcie du chemin. Le ciel est clair, pas un nuage; une belle matinée d’hiver! Le froid leur rosit les joues, leur haleine fume dans l’air glacé. En moins de vingt minutes, elles arrivent en vue de magasin général. Elles cherchent en vain un signe, une piste…la tempête a tout effacé.
- « On entre questionner madame Turgeon?» Demande Noëla. « Elle a peut-être vu quelqu’un, après tout! »
- « Pourquoi pas. On a rien à perdre. Au pire, on s’achète chacune brioche aux raisins! »
- « Mmmm…bonne idée inspecteur Noëline! »
«Ding Dong»…elle entrent en ricanant.
- « Vous êtes ben de bonne humeur à matin, les inséparables! Je gage que vous nous préparez encore un mauvais coup là ? » demande la mère Turgeon en essuyant ses lunettes avec son tablier.
- « Jamais de la vie! » répliquent les jumelles à l’unisson.
- « Deux brioches chaudes avec deux verres de lait, c’est-tu un mauvais coup ça? » demande Noëline.
- « Pis deux pailles avec les verres de lait-s’il-vous-plaît! » rajoute Noëla pour faire plus poli.
Tout en dégustant leur collation les filles s’informent discrètement des allées et venues autour du magasin, la veille.
- « Hier à l’heure du souper…mmm…attendez voir…à part vous autres…y a votre père qui a téléphoné… pis votre frère Guillaume en skidoo, mais y est pas rentré…après ça y a Ti-bras Dufour qui… »
- « On entre questionner madame Turgeon?» Demande Noëla. « Elle a peut-être vu quelqu’un, après tout! »
- « Pourquoi pas. On a rien à perdre. Au pire, on s’achète chacune brioche aux raisins! »
- « Mmmm…bonne idée inspecteur Noëline! »
«Ding Dong»…elle entrent en ricanant.
- « Vous êtes ben de bonne humeur à matin, les inséparables! Je gage que vous nous préparez encore un mauvais coup là ? » demande la mère Turgeon en essuyant ses lunettes avec son tablier.
- « Jamais de la vie! » répliquent les jumelles à l’unisson.
- « Deux brioches chaudes avec deux verres de lait, c’est-tu un mauvais coup ça? » demande Noëline.
- « Pis deux pailles avec les verres de lait-s’il-vous-plaît! » rajoute Noëla pour faire plus poli.
Tout en dégustant leur collation les filles s’informent discrètement des allées et venues autour du magasin, la veille.
- « Hier à l’heure du souper…mmm…attendez voir…à part vous autres…y a votre père qui a téléphoné… pis votre frère Guillaume en skidoo, mais y est pas rentré…après ça y a Ti-bras Dufour qui… »
- « Ti-bras Dufour !!!» crient les jumelles en s’étouffant quasiment. «On savait pas qu’il était dans le coin, celui là! »
- « Ça fait sept ans qu’il est placé dans une famille à Saint - Gédéon-du-Lac…chez une sœur à sa défunte mère…pauvre monsieur Dufour! Ti-bras est venu passer le temps des fêtes avec son père, y paraît. Y parle pas beaucoup Ti-bras, vous savez ben… »
- « Y transportait pas un sac de jute, une poche en toile? » demande Noëline.
- « J’ai pas remarqué, mais il est pas resté longtemps. Y avait l’air fatigué. Y m’a acheté une lampe à l’huile en spécial, des allumettes, pis y est reparti sans seulement dire merci! »
Les deux filles retournent dehors, stimulées par le progrès de leur enquête…
- « Ti-bras Dufour…c’est sûrement lui! s’exclame Noëline.
- « Il était caché dans le chalet de son père… y nous a vu…y nous a suivi…y'a pris le sac pendant qu’on était au magasin… » poursuit Noëla.
- « Où peut-il être maintenant? » se demande Noëline
« Il faut absolument le retrouver! » réplique Noëla.
- « Ça fait sept ans qu’il est placé dans une famille à Saint - Gédéon-du-Lac…chez une sœur à sa défunte mère…pauvre monsieur Dufour! Ti-bras est venu passer le temps des fêtes avec son père, y paraît. Y parle pas beaucoup Ti-bras, vous savez ben… »
- « Y transportait pas un sac de jute, une poche en toile? » demande Noëline.
- « J’ai pas remarqué, mais il est pas resté longtemps. Y avait l’air fatigué. Y m’a acheté une lampe à l’huile en spécial, des allumettes, pis y est reparti sans seulement dire merci! »
Les deux filles retournent dehors, stimulées par le progrès de leur enquête…
- « Ti-bras Dufour…c’est sûrement lui! s’exclame Noëline.
- « Il était caché dans le chalet de son père… y nous a vu…y nous a suivi…y'a pris le sac pendant qu’on était au magasin… » poursuit Noëla.
- « Où peut-il être maintenant? » se demande Noëline
« Il faut absolument le retrouver! » réplique Noëla.
Les jumelles continuent de marcher sur la route en direction du pont. La mine soucieuse une ride d’inquiétude barre leurs deux fronts.
En passant à la hauteur du vieux moulin abandonné, Noëla remarque qu’un filet de fumée s’échappe de la cheminée du bâtiment aux ouvertures condamnées.
- « C’est bizarre cette fumée… »
- « Te rappelle-tu…Ti-bras allait se réfugier là en pleurant quand son ivrogne de père battait sa mère, dans le temps. »
- « Allons jeter un coup d’œil… c’est peut-être lui … la lampe à l’huile, les allumettes… »
En passant à la hauteur du vieux moulin abandonné, Noëla remarque qu’un filet de fumée s’échappe de la cheminée du bâtiment aux ouvertures condamnées.
- « C’est bizarre cette fumée… »
- « Te rappelle-tu…Ti-bras allait se réfugier là en pleurant quand son ivrogne de père battait sa mère, dans le temps. »
- « Allons jeter un coup d’œil… c’est peut-être lui … la lampe à l’huile, les allumettes… »
En passant par derrière, elles trouvent des volets entrouverts sur une fenêtre brisée. Elles se glissent à l’intérieur.
Dans le vieux poêle rouillé brûle un restant de braises. Par terre, une lampe à l’huile, encore allumée ... Au milieu de la pièce, sur toute la hauteur de la tour du moulin, sortant par un trou dans la toiture, la corde ensorcelée se tient debout toute seule… personne ne répond à leurs appels angoissés…
Dans le vieux poêle rouillé brûle un restant de braises. Par terre, une lampe à l’huile, encore allumée ... Au milieu de la pièce, sur toute la hauteur de la tour du moulin, sortant par un trou dans la toiture, la corde ensorcelée se tient debout toute seule… personne ne répond à leurs appels angoissés…
Un grattement entre les madriers du plancher…une souris minuscule sort de nulle part et passe entre les jambes de Noëline …Sa sœur pousse un hurlement strident et se recule vivement.
La lampe tombe et se brise, l’huile se répand sur le plancher qui s’enflamme immédiatement.
En quelques instants le feu court sur les poutres et les murs…le bois est sec et vieux, il brûle comme de la paille. Les jumelles n’ont que le temps de sortir du brasier, tout flambe à présent.
Elles courent sans s’arrêter jusqu’au magasin…
La lampe tombe et se brise, l’huile se répand sur le plancher qui s’enflamme immédiatement.
En quelques instants le feu court sur les poutres et les murs…le bois est sec et vieux, il brûle comme de la paille. Les jumelles n’ont que le temps de sortir du brasier, tout flambe à présent.
Elles courent sans s’arrêter jusqu’au magasin…
Madame Turgeon, paniquée, téléphone aux habitants du coin…
- « Y a le feu au vieux moulin, vite, avertissez tous ceux que vous pourrez! »
Les fermiers accourent…mais il est trop tard. Une épaisse fumée se dégage des restes calcinés… les flammes ont tout dévoré. Les habitants finissent par se disperser. Un à un, les gens s’en retournent chez eux, résignés . Il ne reste plus que les jumelles, Monsieur Dupont père, Guillaume, Rodrigue et Gilbert ses fils, madame Turgeon et puis Jules, son mari.
Noëline et Noëla regardent fixement les cendres fumantes, hypnotisées…
- « Y a le feu au vieux moulin, vite, avertissez tous ceux que vous pourrez! »
Les fermiers accourent…mais il est trop tard. Une épaisse fumée se dégage des restes calcinés… les flammes ont tout dévoré. Les habitants finissent par se disperser. Un à un, les gens s’en retournent chez eux, résignés . Il ne reste plus que les jumelles, Monsieur Dupont père, Guillaume, Rodrigue et Gilbert ses fils, madame Turgeon et puis Jules, son mari.
Noëline et Noëla regardent fixement les cendres fumantes, hypnotisées…
- « Feu, feu, joli feu… » chantonne un voix paillarde derrière elles.
- « Que v’la t’y pas le père Dufour ! » s’exclame madame Turgeon.
Le soulon s’approche en zigzaguant, un quarante onces sous le bras…
- « C’est un ben beau feu que vous avez là! » bégaie-t-il péniblement.
Pis pendant que j’y pense…z’auriez pas vu mon garçon à c’t heure ? »
- « … »
- « Ti-bras… mon branleux de p’tit gars ! »
- « … »
- « Attends un peu que je te le ramasse celui là…y va en manger toute une! »
Sans autre façon, l’ivrogne s’en retourne en maugréant.
- « Que v’la t’y pas le père Dufour ! » s’exclame madame Turgeon.
Le soulon s’approche en zigzaguant, un quarante onces sous le bras…
- « C’est un ben beau feu que vous avez là! » bégaie-t-il péniblement.
Pis pendant que j’y pense…z’auriez pas vu mon garçon à c’t heure ? »
- « … »
- « Ti-bras… mon branleux de p’tit gars ! »
- « … »
- « Attends un peu que je te le ramasse celui là…y va en manger toute une! »
Sans autre façon, l’ivrogne s’en retourne en maugréant.
- « Maudite boisson…! » dit monsieur Dupont, après un moment.
- « Peut-être ben, mais là là… moi j’dirais pas non à un p’tit remontant ! » chuchote monsieur Turgeon en faisant un clin d’œil à la ronde.
- « C’est vrai qu’une fois n’est pas coutume ! » fait remarquer Gilbert, l’aîné des enfants.
« Ben si tout le monde est unanime, venez vous-en donc à la maison…» proclame monsieur Dupont. « J’ai un p’tit tord-boyaux pas piqué des vers que je garde pour les évènements! »
- « Peut-être ben, mais là là… moi j’dirais pas non à un p’tit remontant ! » chuchote monsieur Turgeon en faisant un clin d’œil à la ronde.
- « C’est vrai qu’une fois n’est pas coutume ! » fait remarquer Gilbert, l’aîné des enfants.
« Ben si tout le monde est unanime, venez vous-en donc à la maison…» proclame monsieur Dupont. « J’ai un p’tit tord-boyaux pas piqué des vers que je garde pour les évènements! »
Suite et Fin au prochain épisode...
Cinquième et dernier épisode...
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Depuis des années, à chaque Noël, j'écris un nouveau conte.
À vous, petits et grands, j'offre ici une autre de ces histoires, à raconter, au coin du feu, à l'heure du coucher...
60 ans plus tard…
Le village de Saint-Alzéor-des-Monts a bien changé. Sa population s’est multiplié par cent. L’ancien Rang Croche est devenu un boulevard asphalté. Un centre commercial moderne a remplacé le magasin général des Turgeon. Leurs enfants y gèrent maintenant un beau restaurant. Un camping municipal avec terrain de jeux prend place du long de la Noire, près du Méandre. Une base de plein air avec des pentes de ski et un ciné-parc pendant l’été est gérée par les Dupont.
À l’emplacement du vieux moulin on a construit une belle bibliothèque publique qui sert aussi de centre paroissial. Les jumelles Dupont, aujourd’hui âgées de 73 ans, y sont des visiteurs assidus…
Assises à leur place habituelle, près des fenêtres qui donnent sur le boulevard, elles surveillent les allées et venues ...
Le village de Saint-Alzéor-des-Monts a bien changé. Sa population s’est multiplié par cent. L’ancien Rang Croche est devenu un boulevard asphalté. Un centre commercial moderne a remplacé le magasin général des Turgeon. Leurs enfants y gèrent maintenant un beau restaurant. Un camping municipal avec terrain de jeux prend place du long de la Noire, près du Méandre. Une base de plein air avec des pentes de ski et un ciné-parc pendant l’été est gérée par les Dupont.
À l’emplacement du vieux moulin on a construit une belle bibliothèque publique qui sert aussi de centre paroissial. Les jumelles Dupont, aujourd’hui âgées de 73 ans, y sont des visiteurs assidus…
Assises à leur place habituelle, près des fenêtres qui donnent sur le boulevard, elles surveillent les allées et venues ...
- « Tu vois cette vieille dame, celle avec les longues nattes blanches ?» demande Noëla .
- « Elle a le visage si plissé qu’on voit à peine ses yeux !» souffle Noëline .
- « Tu crois que c’est elle ? »
- « C’est possible » répond Noëline. « Elle a l’air un peu perdue. On dirait qu’elle cherche quelque chose.»
- « Ou bien quelqu’un! » souligne Noëla anxieusement…
- « Oh, et regarde là bas sur le trottoir à l’entrée du pont…»
Un jeune garçon se dirige vers la vieille femme... Il est infirme... La polio, sans doute. Son bras gauche est atrophié…
- « Sacré Ti-bras, y a pas changé d'une miette, même après toutes ces années…hi hi...»
- « Quand ils comprendront que la corde a brûlé avec le moulin…»
- « Toute bonne chose a une fin, comme on dit!»
- « Et s’ils nous reconnaissent et viennent nous questionner?» s’inquiète Noëla.
- « Moi en tous cas, je m’ souviendrai de rien » répond Noëline, le sourire en coin.
FIN
- « Elle a le visage si plissé qu’on voit à peine ses yeux !» souffle Noëline .
- « Tu crois que c’est elle ? »
- « C’est possible » répond Noëline. « Elle a l’air un peu perdue. On dirait qu’elle cherche quelque chose.»
- « Ou bien quelqu’un! » souligne Noëla anxieusement…
- « Oh, et regarde là bas sur le trottoir à l’entrée du pont…»
Un jeune garçon se dirige vers la vieille femme... Il est infirme... La polio, sans doute. Son bras gauche est atrophié…
- « Sacré Ti-bras, y a pas changé d'une miette, même après toutes ces années…hi hi...»
- « Quand ils comprendront que la corde a brûlé avec le moulin…»
- « Toute bonne chose a une fin, comme on dit!»
- « Et s’ils nous reconnaissent et viennent nous questionner?» s’inquiète Noëla.
- « Moi en tous cas, je m’ souviendrai de rien » répond Noëline, le sourire en coin.
FIN